Pourceau de merde, ma présence devrait être un honneur dans ton boui-boui crasseux
Non mais je lui fais l’honneur de manger ses plats et en plus il faut que je lui refile des trucs pour payer ? Il n’a pas déjà compris que ma simple présence est suffisante comme présent pour un simplet comme lui ?!
Sortir, sortir, sortir, il disent tous de sortir pour oublier ce vieux manoir puant et vide. Alors la Folie sortait et elle avait même fait l’effort de prendre le vieux tram moisi puisqu’Astéria avait décidé de ne plus l’approcher après ses accès de violence. Alors voilà la petite silhouette bicolore qui se balade dans les rues délabrées et horriblement remplies de Ciranne avec la sourde envie d’écraser les visages contre les pavés histoire de tous les faire taire.
Elle n’en pouvait plus du bruit, des piaillements et jacasseries de ces greluches là bas, des cris de l’autre tanche au bout et des rires gras des imbéciles en face. Elle avait envie de tous les clouer sur des arbres en petites banderoles et s’ils étaient assez prêt les uns des autres elle agraferai leurs petites mains potelées pour faire une jolie ronde macabre !
Elle inspirait longuement pour tenter de ne pas commencer un joli massacre à cause de son humeur des plus déplorables et l’odeur alléchante du pain tout chaud et de la viande en sauce lui chatouilla les narines. Le ventre de la petite cauchemar gronda d’envie et elle se dit que peut-être, s’accorder une pause, serait une bonne idée. Pourquoi pas aller manger après tout ? Cela faisait une éternité qu’elle n’avait rien avalé, son corps n’en ayant pas besoin et s’interdisant tout plaisir par punition personnelle… Elle s’en était interdit toutes sortes de choses.
Alors forcément son petit frère qui avait retrouvé le chemin de son manoir par miracle ou par l’espèce de sombre connard traître d’Israfil l’avait supplié de cesser ses bêtises. Il avait négocié, l’avait forcé, l’avait cajolé jusqu’à ce qu’elle accepte et il avait même réussi l’exploit de lui tirer un petit sourire sincère…
Alors la voilà la bicolore à se diriger ronchonne et dépressive dans la rue du ventre plein jusqu’à un établissement discret dont l’odeur était plus alléchante que tout les autres alentours. Elle s’était glissée à l’intérieur et un serveur l’avait immédiatement dirigé vers une table libre non loin d’autres clients. Elle aurait préféré déjeuner seule mais tant pis, son extraversion était restée au manoir tout comme sa bonne humeur. Elle en profita pour saisir la carte, son estomac s’agitant et râlant d’autant plus fort.
les yeux au ciel et une main sur les boutons de sa veste pour étouffer le bruit, elle parcourut rapidement la liste des plats. Assez vite pour faire son choix tel une connaisseuse et une habituée. Il n’en était rien, elle s’était toujours laissé porter par les plats de son amant, il essayait toujours de nouvelles recettes toujours plus belles les unes que les autres, toujours plus compliquées et infectes. Elle les adorait et ne rendait jamais une assiette pleine à la fin du repas. Au-delà du goût c’était l’amour et la passion qu’il mettait à préparer ces plats qui rendait Titan plein de joie et de gourmandise. Autant dire que son palais était tout sauf raffiné bien que très bonne connaisseuse de tous les noms de plats et leur composition.
Il ne fallut pas longtemps pour que son assiette de bœuf strogonoff soit servie, accompagnée d’un verre de vin rouge tout à fait délicat. Elle remercia le serveur d’une moue dédaigneuse et se mis à manger lentement parcourant la pièce du regard pour observer les têtes présentes ce jour-là.
J'aime bien cuisiner. Goûter. Surtout cuisiner en fait. Mais ça m'arrive de vouloir tester ce que font les autres. Quand on a une panne sèche au niveau de la créativité, il n'y a rien de tel. C'est dans ce genre de moments que j'envie un peu les gens comme mon ami.e de la néophobie alimentaire. Renouveler sans cesse les choses fait partie intégrante de son être ; pas besoin de se bouger le cul outre mesure pour activer ces bonnes vieilles synapses. En vrai, ce n'est pas désagréable de s'activer. S'activer permet de rencontrer des gens... Et donc de potentiellement de se foutre de leur gueule à toustes, de la petite mémé du coin au cauchemar vicieux sans oublier ce bon vieux Ruel.
Je suis passé par sa boutique au fait. Mais il semblait particulièrement occupé par son nouveau projet ; il m'a envoyé chier. Je crois qu'il était en attente d'une livraison de la part d'un brocanteur ou que sais-je. Je retenterai plus tard... Son projet m'intéresse. Comme tous ses projets en fait. Oui, je compte le coller jusqu'à la fin des temps... C'est un peu de sa faute : amusant et intéressant, il a tout pour me plaire.
Me voici donc à mon plan initial : tenter un restaurant pour leur chiper des idées.
En soi, je pourrais retourner à mes sculptures en décomposition de mes jeunes années, mais j'ai pris goût à la cuisine qui se mange. Déjà que je me tape de sales maladies quand je travaille mon don en inversé, alors pour l'intoxication alimentaire je dis clairement non. Si je dois composer un plat, ce sera pour en profiter pleinement. Je réserve la nourriture moisie pour le prochain barbecue de mon voisin.
... Quoi, on n'a même plus le droit de s'offrir quelques amusements innocents ?
Chapeau sur la tête, je me dirigeai vers un restaurant au hasard - ce dernier était souvent mon meilleur conseiller. Un serveur voulut me guider vers une table mais je l'ignorai pour me mettre non loin de la populace de l'endroit... qui sait, peut-être qu'il y aura matière à faire quelques sales coups. Je croisai les jambes et saisis le menu, le parcourant de mon regard rouge.
C'est dingue, ils proposent vraiment de tout. Un serveur vient prendre ma commande - certainement le même qui a voulu orienter mon choix d'assise.
▬ Ouais bonjour... Je prendrai un chirashizushi. Pour le dessert, je verrai. Merci ~.
Tester des trucs nouveaux l'un des trucs les plus beaux qu'il soit dans cette existence.
Pourceau de merde, ma présence devrait être un honneur dans ton boui-boui crasseux
Non mais je lui fais l’honneur de manger ses plats et en plus il faut que je lui refile des trucs pour payer ? Il n’a pas déjà compris que ma simple présence est suffisante comme présent pour un simplet comme lui ?!
Le regard de la Folie rencontra cette étrange silhouette non loin d’elle. Qu’il était étrange celui-là dans son aura sombre et de ses yeux rougeoyants. On pourrait s’y perdre comme lorsque l’on regarde trop longtemps des flammes. La petite bicolore se demandait s’il était quelque chose comme l'absorption au vu de son apparence puis son ventre lui rappela que le plat était servi.
Lentement elle prit fourchette et couteau afin de déchirer la viande et de la goûter. Rien n’était pareil que les plats de son amant. Rien. Plus rien n’avait de saveur sans lui et étrangement… Titan s’en voulu d’aimer cette bouchée. Elle s’en voulu de trouver ce plat goûtu et bien préparé, de sentir la viande fondre sur sa langue et la sauce envahir son palais. Elle se sentait tiraillée entre une tristesse incompréhensible et une colère éclatante. Elle s’en voulait d’être là et d’avoir l’espace d’une seconde aimé ce repas.
Ses mains tremblaient autour des couverts et elle inspira profondément pour calmer l'afflux d’émotions. Elle avait promis de sortir pour prendre l’air, pour se faire plaisir. Une fois cela fait pourquoi s’en voulait-elle ?
La silhouette d’albâtre à la peau étoilée de son aimé venait s’asseoir face à elle lentement, avec des gestes toujours graciles et mesurés. Elle le voyait prendre son verre à pied délicatement entre ses doigts pour en sentir le nez et observer sa robe. Dans une moue dédaigneuse, il goûta au breuvage du bout des lèvres. Le test n’était évidemment pas concluant et il regarda sa dulcinée tout en gesticulant dans de grandes envolées de mains et de mots.
Idiotement la cauchemar souriait en le regardant commenter l’immondice qu’ils lui avaient servi dans ce verre tout aussi pitoyable. Elle piquait sans s’en rendre compte les carottes puis la viande et continuait à manger en contemplant son amour qu’elle seule pouvait voir. Elle dînait avec lui et l’entendait comme de nombreuses fois hurler à l’empoisonnement, réclamer de voir un manager pour menacer de faire fermer leur établissement. La main de la Folie venait attraper distraitement un stylo dans son sac, feutre qui tournoyait entre ses doigts pour parer la nappe de tissus d’une nature morte en décomposition. Elle ne voyait rien de ce qu’elle faisait, elle ne se rendait compte de rien car toute son attention était tournée vers cet astre magnifique.
Évidemment personne n’entendait tout cela à part la Folie. Tout n’était que pure invention de son esprit épris d’un deuil impossible à surmonter. Elle l’aimait tant qu’elle ne pourrait jamais le laisser partir…
Bien vite, l'assiette fût finie et Équinoxe se tourna vers le serveur qui passait tout près de la table pour lui intimer de les rembourser. Serveur qui se pencha vers Titan pour couper la voix qui résonnait dans son crâne et couper cette scène qui le rendait heureuse. Bulle de savon explosée. Scène envolée. Équinoxe disparu.
La Folie se tourna le regard ahuri et les yeux exorbités vers l’homme qui venait de commettre le pire. Ses mains tremblaient de nouveau, serrées autour de son couteau et sa fourchette, transie de rage. Sans aucun contrôle elle se leva et renversa sa chaise derrière elle, plantant ses couverts dans le bois de la table non loin des mains du pauvre homme qui ne cherchait qu’à la débarrasser. Elle respirait trop fort et un grondement lent montait dans sa gorge.
- Sale pourceau tu as cherché à me tuer ? Tu veux m’empoisonner avec ta viande avariée et ton vin tourné ? tu vas me le payer sale petite vermine…
Lâchant ses couverts elle posa la main sur la manche du serveur éberlué en l’attrapant violemment puis elle plaqua son autre main sur cette fresque ornant la nappe et pouf…
Disparition.
L’homme en chemise blanche n’était plus là alors que la petite bicolore hurlait de rire les yeux exaltés. Elle se rassit et se pencha vers la nappe pour susurrer quelques mignonneries.
- Alors petit cloporte, te sens-tu bien dans ta petite balade au milieu des carcasses ? Goûtes donc tout ceci, n’est-ce pas délicieux ?
Tandis qu’elle parlait, l’homme enfermé dans son œuvre hurlait et courait en titubant au milieu de monceaux de viande pourrie, de moisissures, de légumes et fruits avariés disproportionnés. Les carcasses étaient telles qu’en tombant les côtes formaient une cage pour le serveur, la viande putride tombant en lambeaux sur lui.
Puis vint le temps de l'attente. Emmerdant à crever. Ils pourraient proposer des magazines dans les restaurants quand même. Ils ont pensé aux pauvres célibataires et aux poètes solitaires ? Et voilà, je me retrouve dans une situation bien délicate. Car plus j'observe mon environnement et plus j'ai envie d'y foutre la merde... Ce n'est pas de ma faute ! Tous ces plats ont une allure tellement belle et appétissante, les visages des mangeurs expriment un si grand plaisir... C'est très dur de ne pas avoir envie de bousculer tout ce petit monde là.
Rien de bien méchant... Juste quelques saveurs qui tournent à l'aigre, d'autres à l'amer ou au ranci... Un coup c'est une pomme, l'autre un bout de tarte, ou encore un morceau de gigot, tiens, un verre de vin ! Je parlais de mes "sculptures" en décomposition d'antan, mais rien ne m'empêche de parsemer la nécrose là où elle couve... Puis je suis beaucoup plus discret que dans mes débuts.
Ci et là mon regard s'amuse à gâcher en partie le tableau de la salle, à l'en tacher de quelques teintes spectrales. C'est alors qu'il revient sur une table où il avait déjà sévi, d'où des cris surgissaient avec leur lot d'agitation. Le serveur était là. Puis il ne le fut plus. Je haussai les sourcils, l'intérêt titillé.
N'importe qui garderait ses distances. Mais qu'est l'existence sans un peu de piment ? Je quittai ma table - mon plat n'était toujours pas arrivé - et me plaçai derrière la femme aux cheveux vifs pour mieux observer ce qui se traficotait sur sa nappe, par-dessus son épaule.
... Rien. Juste elle qui baragouine quelques paroles venimeuses à cette pauvre nappe. C'est elle qui a dessiné dessus ?
Je me racle légèrement la gorge pour qu'elle me notifie.
▬ Désolé de vous déranger, mais vous m'intriguez... Vous l'avez fait disparaître comment ce pauvre type ?
Pourceau de merde, ma présence devrait être un honneur dans ton boui-boui crasseux
Non mais je lui fais l’honneur de manger ses plats et en plus il faut que je lui refile des trucs pour payer ? Il n’a pas déjà compris que ma simple présence est suffisante comme présent pour un simplet comme lui ?!
La seconde cauchemar était toute perdue à sa Folie, rageuse d’avoir perdu son illusion à laquelle elle se raccrochait. Alors puisque son amour et amant n’étais plus là, elle dirigeait tout son venin sur le pauvre serveur pris dans cette œuvre faite sur une nappe dont les traits d’encre filaient par capillarité entre les tressages du tissus ne rendant que plus mortifère cette nature morte pourrissante. Rien ne bougeait, rien ne changeait et pour autant Titan s’amusait à susurrer des insanités à cette œuvre dont elle seule pouvait voir l’intérieur et interagir avec.
Elle allait s’amuser à ajouter des petits veaux zombifiés, goules bovines dont la chair dégoulinante et grouillante de vers blancs iraient encercler le cloporte bipède mais elle fut soudainement coupée en plein travail par une voix venant de son dos. Elle ne l’avait pas vu venir, pas senti s’approcher ni même aperçu mais c’était l’espèce de spectre noir étrange qu’elle avait remarqué plus tôt.
Que faisait-il là celui-là ? Il voulait jouer aux grands et prendre des leçons ou juste venir la faire chier pour passer le temps ? Il a l’air d’un benêt pas possible à s’en demander s’il n’était pas à la botte de l’autre Tanche Originelle…
- Avec mon pouvoir sombre crétin… Comment veux tu que je l’ai fait disparaître autrement … Tu as envie d’aller voir ce qu’il s’y trame ? Ou tu as les tripes trop fragiles ?
Elle glissait ses fesses sur sa chaise de manière à se retourner de biais en le regardant avec un sourire mauvais et défiant. Qu’avait-il en tête cet abruti pour venir la couper en plein jeu alors que tout en elle hurlait la Folie. Pourquoi venir s’y frotter si ce n'était pas pur masochisme ?
Elle redressa le menton, une moue méprisante sur le visage et vint poser la main sur la nappe comme précédemment tout en ponctuant son geste d’une voix enfantine.
l'un des trucs les plus beaux qu'il soit dans cette existence.