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Au bord d'un nouvel horizon - Hyll & Daphnée
Anonymous
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Dim 26 Juin - 19:23



Au bord d'un nouvel horizon

Morte… ?

Était-ce réel ? Était-elle vraiment… partie ? Comment, pourquoi ? Si… jeune ? Elle n’avait jamais pensé perdre la vie aussi tôt. Elle n’y avait jamais songé, d’ailleurs. Dans ses rêves, dans ses projections d’avenir, elle se voyait en vieille femme, entourée d’une ribambelle d’enfants bruyants. Dans ses visions-là, elle les observait jouer, chahuter, assise sur le banc de la maison familial, les genoux couverts par un plaid. Il aurait été un cadeau de l’une de ses filles à l’un de ses anniversaires – et quels beaux enfants elle aurait eu. Une famille nombreuse, comme elle l’avait toujours souhaité. Soudée. Heureuse. Avec de nombreux petits-enfants qu’elle aurait trop gâtés. Trop embrassés, aussi, et surtout beaucoup aimés. Elle les aurait serrés chaque jour dans ses bras, et portés chaque seconde dans son cœur. Ô ils l’auraient bien repoussée parfois, geignant et gesticulant comme de beaux diables, mais sans jamais vraiment s’en décrocher. Car elle aurait été cette oreille attentive, un peu démodée, certes, et un peu sourde, d’accord, mais constamment à leurs côtés, envers et contre tout.
Oui, elle aurait été ainsi.
Elle aurait été celle les cajolant, également, celle soignant leurs petits bobos mortels. Ils auraient eu droit à des pansements de dinosaures et à se gâter les dents beaucoup trop souvent. Combien de pots de bonbons aurait pu contenir leur maison… ?  
Mais il n’en était rien.
Et il n’en serait jamais rien.
Elle était morte.
Morte sans rien avoir pu accomplir de tout cela. Sans avoir la chance de les rencontrer. Sans avoir la chance de seulement les embrasser une fois.

Morte, et pourtant…

Elle était là, dans l’Entre-passe. Cicérone… Était-ce bien cela ? Oui, sans doute… Cicérone l’avait accueillie, lui avait expliqué… l’essentiel de ce nouveau monde dont elle faisait désormais partie. Elle l’avait écoutée sans l’entendre, toutefois quelques mots tournaient en boucle dans son esprit ; âme, passeur, cauchemar…
Ah… C’en était peut-être un, n’est-ce pas, de cauchemar… ? Un mauvais rêve, haha… ! Et si elle le rendait lucide ? Mais elle ne se souvenait pas d’avoir été un jour douée d’une grande imagination. Elle avait du mal à se souvenir tout court, d’ailleurs. Comme si… Comme si tout cela avait été mis sous cloche, hors de son atteinte.
Pour éviter que je ne me brûle.
Cette réflexion lui fit froncer de délicats sourcils. Éviter une brûlure… ? Ce n’était plus une enfant – loin de là. Elle était…
Incapable de répondre.  
Qu’est-elle ?
Morte. En vie. Morte. En vie. Mais sans mémoire. Amnésique ? Elle n’aurait qu’à attendre. Mais oui ! Cela lui reviendrait bien tôt ou tard. Et en attendant ? Que faisait-elle ?  Ce monde lui était complètement étranger, peut-être hostile. Non, elle saurait. Elle saurait forcément quoi faire, une fois sa mémoire recouvrée. L’inverse ne pouvait pas être. Elle ne l’admettrait pas.
Voilà. Elle était maîtresse de sa destinée, n’est-ce pas ? Ses poings se serrèrent sur le pantalon cigarette couleur crème, tout tremblants. N’est-ce pas qu’elle l’était… ?
Elle mit quelques secondes avant de murmurer un mot. Un seul. Du bout de ses lèvres doucement rosées.
«Oui… ».
Et enfin, alors, elle se sentit capable de respirer. De se gonfler les poumons d’air, de les en soûler. Et quel plaisir elle y prit ! Et quelle odeur il avait ! Comment n’y avait-elle pas fait attention plus tôt ? Ses effluves lui chatouillaient plaisamment le nez, piquants et vifs à la fois, revivifiant.
Sa tête bascula en arrière et elle ferma les yeux, s’imprégnant de la sérénité de l’endroit ; le piaillement des oiseaux, le clapotis régulier de la fontaine, la rumeur des voix au loin...
Lorsqu’elle rouvrit les yeux, rien n’avait bougé ; un banc lui faisait toujours face, et se tenait encore derrière lui la plus fantastique fontaine qu’elle n’ait jamais vue.
«La Serre, n’est-ce pas… ? », et un maigre sourire étira les lèvres de la jeune femme aux longs cheveux d’or.

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Anonymous
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Lun 27 Juin - 19:09
Il n’était pas venu pour cela.

À l’origine, Hyll n’était retourné à la Serre que dans l’intention d’empêcher l’une de ces sinistres prémonitions surgie quelques heures plus tôt à son esprit. Bien qu’il eut conscience que le drame s’opérerait d’ici trois heures, et qu’il lui faudrait déjà un moment pour rejoindre la Clinique depuis la caserne, il avait pris l’initiative de s’y rendre en avance afin de s’enquérir, au passage, de l’état de Mistigri dont il avait entendu des échos guère épanouissants — plus d’hyperbole que de réelle raison de s’inquiéter, certes —, mais sur place n’avait pas cherché à entrer en contact avec son collègue. La Vaillance s’était contentée d’emprunter le couloir menant à la salle où officiait le chat, d’y glisser ensuite son œil sans s’y attarder, sans se faire repérer non plus, tout du moins dans la mesure de son indiscrétion physique, puis elle était repartie avant que le félin n’ait l’idée de venir vers elle. Hyll n’était pas là pour discuter. Dès lors qu’il avait aperçu la silhouette de la Sérénité occupée avec une Âme en plein étalage de ses problèmes d’anxiété, il avait convenu qu’il n’y avait pas de problème apparent qui nécessita sa présence et, impavide, il poursuivit ainsi son chemin jusqu’à un autre corridor, à quelques enjambées de là. Nul besoin de se presser ; il était dans les temps.
La porte de la pièce était entrouverte. Dans l’embrasure remuait, à l’autre bout, la créature qu’il avait identifiée grâce à sa prescience : menue, juchée à quatre fois sa hauteur sur le pénultième barreau d’une échelle dépourvue d’attaches, et aussi inconsciente que son équilibre se voulait précaire, avec ses jupons blancs et bleus froufroutant au même rythme que les boucles turquoise de sa coiffure. Est-ce qu’il était surpris que ce fusse elle, la malheureuse qui se serait brisé toutes les vertèbres s’il n’était pas intervenu ? Même pas. De tous les Passeurs de la Serre, Alizé était sans aucun doute la plus involontairement casse-cou, la plus imprudente, un authentique danger pour elle-même, et à l’instant où elle se retourna pour le saluer d’un :
« Ah, Hyll, tu tombes à pic ! »
il vit l’échelle se dérober d’une même impulsion, précipitant la demoiselle à la renverse ; il se vit aussi bondir pour la rattraper, ravalant un juron, in extremis — deux secondes en avance sur la prévision. Alizé tomba dans ses bras ouverts sans même paraître s’affoler, déjà à demi pelotonnée par réflexe, tandis que son perchoir partait s’écraser contre un fauteuil et fracasser le vase qui ornait le guéridon adjacent. Le petit cri qu’elle relâcha se mua en soupir déçu, mais à aucun moment elle n’eut conscience que, plutôt que la porcelaine, c’étaient ses propres jambes qui auraient fini fracturées de la sorte.

« C’était mon préféré... tant pis..., chouina-t-elle pendant qu’Hyll la remettait debout, indifférente au regard qu’il jeta au ciel en réponse. Tiens, puisque tu es là, rends-moi service s'il-te-plaît ! J’ai trouvé ça tout à l’heure dans le couloir, tiens, j’ai trop de travail, moi, puis je dois nettoyer ce bazar, et aussi Fourbi est absent alors, si t’as rien à faire là maintenant, rapporte-le, tu veux ? »
Ni une ni deux, l’Initiative lui colla dans la paume une fine gourmette aux minuscules pendentifs nacrés. Hyll glissa sa prunelle du bijou à la Passeuse qui, sans plus d’information, s’éloignait afin de ramasser les morceaux de céramique. Il n’eut pas le loisir de protester — depuis quand y avait-il inscrit « Responsable des Objets Trouvés » sur son front ? — qu’elle agissait comme s’il était déjà parti. Ce qu’il fit, de mauvaise grâce. Inutile de batailler. Il espérait juste que cette quête annexe ne lui prendrait pas trop de temps ; au pire, dès qu’il en aurait marre, il pourrait toujours abandonner le bracelet à l’accueil et feindre de ne l’avoir jamais eu en main.
En quittant la Clinique, il ne croisa d’ailleurs personne qui semblait chercher un joyau perdu. Il demanda par hasard à une Âme qui haussa les épaules, à une seconde qui aurait accepté l’offrande mais eut l’honnêteté de reconnaître qu’elle ne lui appartenait pas, puis à un autre Passeur qui prit un moment pour réfléchir avant de répliquer, atone :
Il y a une femme qui est sortie de la Clinique un peu plus tôt dans la journée. Du genre princesse perdue, tu vois, nouvelle arrivante mal à l’aise. Elle est retournée vers le Dôme. C’est le plus plausible, à mon sens.
Et la Vaillance de suivre les indications jusqu’au sommet de la Serre, un brin impatiente de se débarrasser de cette requête.

Là-haut, elle n’était pas seule.
Pourquoi lors donnait-elle le sentiment de l’être, par choix ou par quintessence ? Pourquoi, sous le chatoiement lumineux de la verrière, laissait-elle l’impression de briller tout à la fois plus douce que l’aube et plus forte que le zénith ? Face à l’immense fontaine des lieux, elle attendait tel un paisible fanal, solitaire parmi les ombres alentour, aussi Hyll n’eut-il pas à errer longtemps avant de percevoir sa lueur et s’en rapprocher. Une fleur de magnolia. Voilà à quoi elle lui faisait penser. Une corolle de velours blanche, éclose par miracle à l’extrémité d’une branche d’or. Pareille beauté ne pouvait provenir de ce monde mais, quoiqu’il la reconnût, lui ne s’y éblouit pourtant pas. Même sous les frondaisons du plus majestueux des magnolias, il ne s’arrêterait pas. Ainsi se présenta-t-il devant elle comme devant n’importe qui, à quelque distance, pour lui tendre sa paume ouverte où dansait l’éclat du bijou égaré.
« Excusez-moi d’interrompre votre contemplation. Est-ce que ceci vous appartient ? »
Sobre et minéral. Toujours. Car si ce n’était pas le cas, qu’elle ne leur fasse pas perdre leur temps.
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Mar 28 Juin - 21:29
Au bord d’un nouvel horizon

L’Entre-passe… Il existait ainsi autre chose que la représentation classique de l’au-delà… Une étape intermédiaire, où les âmes comme elle transitaient jusqu’à temps d’être prêtes. Prêtes à quoi ? A descendre aux enfers ou à s’élever dans les cieux ? A disparaître définitivement, réduites au néant, en poussières ? Ou autre chose encore ? Était-ce là un cycle sans fin ? Cela avait-il seulement un sens ? Et fallait-il vraiment lui en trouver un ? Est-ce que cela pouvait justifier d’une façon ou d’une autre sa perte de mémoire ? Sans doute… Avait-elle à devenir une autre personne ? Était-ce cela, la finalité ? S’oublier pour recommencer, renaître ? Elle ne le voulait pas. Cela serait trop dur. Comment pouvait-il lui exiger cela ? Accepter de s’effacer, s’annihiler de sa propre volonté…
Mais le processus n’était-il pas enclenché ? N’avait-elle pas perdu tous ses souvenirs ? Non.
Pas tous.
Des fragments épars se tapissaient çà et là dans son esprit. Il lui suffirait de tendre la main et de doucement, très doucement, les saisir ; elle se les réapproprierait, redeviendrait elle-même morceau par morceau. Un travail fastidieux. Cela ne pouvait pas l’effrayer – n’avait-elle pas passé des nuits blanches à traiter des dossiers ?
Si.
Bien sûr que si.

Elle passait ses nuits à traiter des dossiers. C’était elle. Personne d’autre.
Elle s’attablait à son bureau et…  
«… vous appartient ?»
Une voix venue de nulle part interrompit le fil de sa pensée ; une voix grave, masculine. Elle appartenait à l’homme le plus beau qu’il lui ait été donné de voir un jour. Un pur dieu de la mythologie grecque, à l’image d’Apollon avec sa longue chevelure dorée. Il existait donc des êtres comme lui ici… Était-ce une âme ? Il n’en avait pas l’air, du moins. Pas avec ce qu’il dégageait comme aura – celle d’un meneur, d’un homme prêt à tout pour atteindre son but. Le bleu azur de son œil gauche le confirmait bien ; limpide, clairvoyant, intraitable.
Elle y planta son regard. Deux émeraudes à l’éclat chatoyant.
- Pardon ? » lui répondit-elle avant d’apercevoir sa main tendue, et le bijou logé à l’intérieur. Elle le reconnut bien vite. Il s’agissait d’un bracelet en or blanc qu’elle portait tous les jours – ou tout du moins qu’elle ne retirait jamais, pas même pour dormir. A quel moment l’avait-elle égaré ? Ses sourcils se froncèrent. Était-ce bien le sien… ? Elle devait s’en assurer.
- Permettez… », fit-elle en le saisissant du bout des doigts, comme s’il valait tout l’or du monde – ou bien qu’il l’exposait là à quelque terrible malédiction –, et l’examina consciencieusement, sans plus se soucier de l’homme face à elle.
Un hoquet de surprise lui échappa alors ; il y avait bel et bien une soudure supplémentaire auprès du fermoir. Il n’y avait pas d’erreur possible. Cet homme lui rapportait son bracelet.  
- Il est… Il est bien à moi, oui… Merci à vous. Je ne pensais pas l’avoir jusqu’ici. »
Comme c’est étrange, songea-t-elle en peinant à le rattacher à son poignet droit. Elle avait ainsi ramené un objet d’avant – et pas n’importe lequel lui semblait-il.    
Daphnée s’occupe de votre cas en #ff9999 - @Hyll
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Jeu 30 Juin - 16:10
Il l’avait surprise, semblait-il.
Mais toute nymphe qu’elle fût, flottant au fil de ses pensées comme dans l’onde translucide d’un ruisseau, elle ne s’en effraya pas. Ses prunelles luisaient gracieuses, pareilles à deux gemmes polies qu’un pinceau aurait cerclé de nuit, dénuées de la moindre ombre, de la moindre crainte. Elle le regardait — ne parut pas entendre ce qu’il lui avait demandé. Devait-il répéter ? Non. Son geste joint à la parole servit d’itération, et lorsque les malachites de ses yeux vinrent papillonner sur le bijou qu’il lui présentait, elle eut cet infime froissement entre les sourcils, un léger pli de défiance sur la soie de son visage. Hyll ne broncha pas. Il lui permit ce qu’elle souhaitait, sans relâcher un mot, l’œil grippé sur la gourmette pour suivre ses intentions. À la voir manipuler ainsi l’objet, la périphrase utilisée par le Passeur qui l’avait orienté naguère lui revint en mémoire — le genre princesse perdue — et il lui trouva beaucoup de justesse bien qu’elle n’eût pas l’air d’en posséder les défauts inhérents, au nombre desquels il épinglait par à-priori une nature capricieuse, une dose certaine d’immaturité et d’orgueil, ainsi qu’une propension à trop parler pour ne rien dire, volubilité induite par le sentiment d’être supérieur au reste du monde. Mais elle, elle semblait plus perdue que princesse, et ce seul adjectif suffisait à ce qu’il patiente un instant de plus.
« Bien. »
Il s’apprêtait à lui donner son congé après avoir été remercié, indifférent aux interrogations muettes qui parcouraient par dizaines l’esprit de la demoiselle, quand il constata qu’elle peinait à raccrocher la chaînette autour de son articulation. À l’évidence, deux mains ne seraient pas de trop. Sauf que lui, qui n’avait jamais porté ce type de fanfreluches, faute d’intérêt, eut presque envie de la laisser là avec son élégance malhabile, de s’en retourner maintenant qu’il avait accompli la requête d’Alizé, et tant pis pour cette futilité ; ce n’est pas comme s’il allait la recroiser de sitôt ni même que Cicérone déciderait de la placer sous sa responsabilité de Passeur. Il n’était pas prêt pour cette tâche. Peut-être ne le serait-il jamais. Peut-être n’était-il pas fait pour cela, au fond. Était-ce si grave ? Cela lui interdisait-il de venir en aide à une naïade maladroite à qui l’on avait probablement annoncé quelques heures auparavant qu’elle avait perdu la vie et qu’elle ne pourrait plus revenir en arrière ?
Une impulsion cruelle.

« Montrez voir. »
Placide, il approcha ses phalanges du poignet de l’Âme, y chassant d’un même mouvement l’araignée gracile qui avait échoué à refermer l’attache. L’été l’avait poussé à ne plus porter ses gants sombres, et l’on ne pouvait que trop remarquer le contraste entre sa peau de pêche à elle, aux os kaolin, et son cuir pâle à lui, griffé çà et là d’entailles rosâtres ou blanchies, rude malgré la finesse qu’y avait mis le sculpteur. Deux secondes — ce fut tout ce qu’il fallut à la Vaillance pour remettre le fermoir en place et relâcher le métal, avant de se reculer d’un pas.
« Voici. S’il vous est précieux, ne le perdez plus. »
Sinon, il faudrait attendre l’intervention de Fourbi, et dans ce cas, il était plausible qu’elle ne retrouvât plus  son bien. Mais cela, Hyll se garda de le préciser. Ce n’était déjà plus son affaire, d’autant que ses propres mots avaient, sans qu’il ne le désirât, déposé en silence une gaze obscure sur son iris, voile mélancolique à la pensée d’un trésor disparu dont il avait tout oublié de la valeur. Au moins devinait-il que tout l’or de l’univers ne serait jamais suffisant pour l’égaler. Et à cette émotion qu’il sentit poindre en lui sans qu’elle lui appartînt vraiment, il commença à s’en retourner.
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Sam 2 Juil - 17:53
Ceci est un chouette titre ~

«Montrez voir. » lui ordonna-t-il d’un ton ne souffrant d’aucune contestation. Il n’attendit d’ailleurs pas d’avoir son accord pour balayer sa main sur le côté, restée en suspension, comme en attente. Les lèvres pincées, elle s’abandonna à lui – tout du moins lui abandonna-t-elle bracelet et poignet.
Que pouvait-elle lui dire ? Merci, encore ? Et ensuite ? Serait-il déplacé de sa part de lui demander une visite des lieux… ? Il lui avait déjà été serviable par deux fois – en lui rapportant la fine chaînette d’abord, et en la rattachant ensuite. Cela ne lui avait pris que deux secondes – deux secondes trop courtes.
« Voici. S’il vous est précieux, ne le perdez plus. »
Elle détacha ses yeux des mains rugueuses, couturées de cicatrices dont elle souhaita connaître l’histoire, et les releva sur la figure d’éphèbe qui déjà faisait volte-face, s’éloignait d’elle.
Le reverrait-elle un jour ? La réponse ne pouvait être plus incertaine. Elle ne connaissait pas même son prénom – et lui le sien.
Sa main gauche, alors encore en suspens, s’anima d’une volonté propre et agrippa un pan de sa chemise avant qu’il ne s’éloignât davantage.
Que pouvait-elle lui dire ? Pourquoi le retenir ainsi ? Non, en vérité, cela, elle le savait pertinemment. Elle ne voulait pas rester seule, pas maintenant qu’elle ressentait un peu de chaleur humaine – quoi que cela fut une once seulement ; pas maintenant qu’elle sentait enfin son cœur battre après toutes ces heures à errer dans la Serre.
Mais que pouvait-elle lui dire ? Ses lèvres s’entrouvrirent et, tout naturellement, elle s’entendit lui demander :
- … vous êtes ?
Deux mots. Deux simples mots qui portaient en eux un fol espoir – illusoire, peut-être.






Daphnée vous interroge en #ff9999 - @Hyll
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Mer 6 Juil - 22:36
Quelques jours auparavant, Cicérone l’avait accueilli en ces lieux.
La même lumière d’un matin de mai irradiait l’espace et nimbait la végétation d’embruns bleu chaud, réconfortant, invitant au délassement. Un passereau était en train de becqueter les drupes mûrs d’un bosquet d’aubépine, juste derrière eux. L’Originelle était assise sur un banc à l’ombre du feuillage et lui, sans savoir pourquoi l’un de ses genoux touchait le sol, l’écoutait avec une solennité commandée par l’ignorance. C’est à ce moment qu’il avait reçu, à la faveur de ces mots empreints d’une stricte douceur, son dogme de Passeur. Que pour la première fois, il avait entendu son nom et son histoire — les siens ? Ah.
Et voici qu’à présent une main timide gantée d’audace, du bout de ces doigts grippés à son vêtement, l’arrêtait dans son mouvement. Il ne s’attendait pas à cela. Ne s’attendait à rien, d’ailleurs, sinon à ce qu’on le laissât repartir comme il était arrivé, austère et détaché de tout. Sauf qu’un animal timoré venait de s’accrocher à sa chemise ainsi qu’à son grand étonnement, et si l’espace d’une fraction de seconde il avait senti tous ses muscles se contracter tandis que son poing se refermait sur sa lance brandie, s’il avait pivoté la nuque pour darder un noyau de fureur sur le coupable, prêt à lui enfoncer son arme dans le thorax avec un claquement de cape, il retint son bras tout aussi vite, avant même qu’un second battement de cœur ne sépare son instinct de sa raison. Le sursaut de violence né de la surprise mourut avec sa prise de conscience : ce n’était que l’Âme au bracelet. Pas une menace. Pas pour le moment. Et son iris de se radoucir aussitôt, dans la mesure de l’impossible, quand son corps se détendait d’un cran en se retournant vers la nymphe et que son coude relevé par le réflexe guerrier se rabattait à l’arrière de ses flancs, ouvert contre la patte blanche froissant le noir de son habit. Ne lui avait-il pas fait peur, à réagir si brusquement ? À croire que c’était lui, la bête craintive, l’ours prompt à sauter à la gorge de quiconque tendrait la main vers son pelage.

Elle interrogeait son identité.
De prime abord, il ne sut honnêtement quoi répondre ; souhaitait-elle connaître sa nature ou juste son nom ? Devait-il agréer ou faire comme si cela ne la concernait pas ? Ne risquait-elle pas de s’attirer quelques regards de travers si elle avouait ensuite avoir rencontré la Vaillance, l’ancien Banni, l’assassin d’Âmes ? Elle qui respirait la fraîcheur des nouveaux venus, la blancheur virginale des premiers lys, fallait-elle qu’elle sache ? Mais peut-être, en fin de compte, que sa mémoire sans trace lui épargnait d’ores et déjà les affres de la désillusion. Elle qui ne connaissait de lui que la silhouette et le creux de la paume, pouvait-elle prétendre le juger autrement qu’à l’aune de cet instant ? Au contraire de toutes celles et ceux qui avaient eu le temps d’écouter aux portes ou de grappiller çà et là des informations sur son passé, elle n’avait rien à lui comparer. À ses yeux d’émeraude, il n’était que lui-même, le seul et unique Hyll. Pas l’ancien. Juste lui. Et puisqu'il ne saisissait pas encore toute l’aise distillée par ce simple fait, il lui accorda alors cette seconde requête :
« Mon nom est Hyll : H, Y, L, L », épela-t-il, par souci de lisibilité plus que de précision.
Sans doute devrait-elle s’habituer à ce que les gens de l’Entre-passe ne possèdent qu’un patronyme. Se rappelait-elle par ailleurs celui qu’elle portait de son vivant ou bien serait-elle amenée à en adopter un neuf ? Quant à lui, aurait-il aimé pouvoir changer de nom après l’Oubli ? Il n’y avait pas réfléchi plus que cela. Hyll avait été — Hyll était toujours. C’était ensuite à lui de graver ce qu’il souhaitait à la cire de ce sceau.
« Vous souvenez-vous du vôtre ? En tant qu’Âme, vous avez le droit de vous en attribuer un nouveau afin d’être recensée à l’Accueil, si ce n’est pas déjà le cas. »
Il ne se rendit compte qu’il avait renchéri qu’après avoir descellé les lèvres. Trop tard. Enfin. Il supposa que tant qu’il ne franchissait pas une certaine limite d’implication, il n’avait rien à redouter de cet échange ; ce type de guidance relevait de sa fonction, après tout.
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Lun 11 Juil - 21:53
Au bord d'un nouvel horizon

Elle ne desserra pas sa prise. Elle ne la desserra pas malgré ce mouvement brusque, malgré le brasier couvant dans cet iris, feu du ciel, et dont elle sentît la brûlure sur ses joues rosies – une brûlure de désarroi, de honte peut-être. Non, elle ne desserra pas le poing, alors que la logique, les règles de bienséance, ou même l’instinct de survie le lui auraient commandée – le lui commandaient. Mais elle n’y entendait rien – ou tout du moins s’y faisait-elle sourde, refusait de s’y soumettre. Au contraire, elle raffermit d’autant plus son étreinte, réponse insensée face au danger, et souffrit de ses ongles plantés dans sa paume.
Qu’avait-elle à perdre, après tout ? Elle avait expérimenté la mort une première fois, alors pourquoi pas une seconde ? Mieux valait cela à errer au hasard, à déambuler dans les couloirs sans fin de la Serre…  
Et pourtant, il lui avait répondu.
Hyll.
Ce fut la première fois qu’elle entendit un prénom pareil, qu’il lui épela de sa propre initiative.  
Hyll.
Elle le retiendrait, comme elle l’avait retenu jusqu’à maintenant. Lui en voudrait-il ? Sans doute un peu. Pourtant elle ne parvenait pas à se résoudre à le relâcher. Pas encore. C’était trop tôt. Que ferait-elle s’il partait, l’abandonnait là dans un endroit inconnu, obscure à son esprit, alors qu’il lui prodiguait sa lumière ?
Mais il fallut qu’il lui retourne la question, qu’il lui demande son prénom.
Son prénom ?
Ah.
Elle était incapable de s’en souvenir.
Mon prénom. Le mien.
Là elle relâcha le tissu, les yeux soudainement dans le vague, fixés sans l’être sur le bouton nacré d’une manche.
Mon prénom… ?
Ah… Je ne me souviens de rien…

« Je… Je travaillais dans une grande compagnie. Oui, c’était un privilège d’y évoluer. J’y ai beaucoup appris… Oui, beaucoup… » marmonna-t-elle confusément, moins pour Hyll que pour elle-même.
Elle y avait passé des années. Elle y avait sacrifié des nuits entières, des dizaines de week-ends et plus encore. Elle avait annulé ses vacances pour se rendre disponible. Elle avait travaillé chaque Noël et régulièrement le premier jour de l’an. On la disait mariée au travail. On ne lui avait pas laissé le choix. On ne lui avait pas demandé son avis. Elle ne refusait rien. Acceptait tout. Un dossier supplémentaire à traiter ? Pas de problème, j’en fais mon affaire ! Une réclamation de clients ? Pas de souci, je m’en charge ! Et à la fin, quoi… ? N’était-elle que cela ? Son autobiographie s’arrêtait-elle à « l’employée de bureau » ? N’avait-elle pas même un prénom ?
Non.
Non, ce n’était pas le cas. Elle n’avait même pas cela.
Un sanglot la secoua alors. Un sanglot silencieux, sans remous.
Un sanglot qui ne puisse gêner personne, comme son existence.
Daphnée sanglote en #ff9999 - @Hyll
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Mar 19 Juil - 11:37
Hyll ne comprend pas cette Âme — ses impulsions, ses raisonnements, ses ambiguïtés. Il ne comprend pas pourquoi elle reste là, crochetée à lui en dépit du danger, de ce remugle d’inimitié qu’il a laissé filtrer par instinct guerrier ; ne comprend pas pourquoi lui a-t-elle réclamé son nom alors qu’elle aurait pu se satisfaire d’avoir récupéré son bien et qu’ils s’en détournent chacun de leur côté, entrevue fugace et sans intérêt, alors que le sien est à l’évidence source d’une douleur qui refuse d’éclore, tapie sagement derrière le trouble humide de ses prunelles. Cette simple réciprocité suffit à ce qu’elle se détache, embarrassée, honteuse peut-être d’être incapable de lui répondre avec autant de facilité, là où sa mémoire n’est que peau de chagrin, trouée par la mort qui en a déchiré le parchemin au moment de la précipiter à l’Entre-passe. Et faudrait-il qu’il s’en soucie outre mesure ? Lui ne la juge pas. Ne la plaint pas non plus. Ni ne la réconforte. Elle lui est indifférente, tellement étrangère — et pourtant. Pourtant, quand il l’observe égarer son regard de prairie dans l’absence qui enveloppe son esprit à la recherche de ce mot qui n’existe plus, quand ses lèvres s’entrouvrent sur sa confusion pour ne laisser franchir qu’un babillage creux, absurde aux tympans de la Vaillance en ces circonstances si particulières, il ne peut s’empêcher d’y voir un reflet pâle et distant, une similitude diffuse d’avec ce qu’il a expérimenté tantôt, il n’y a pas plus tard qu’une semaine. Certes, leurs caractères respectifs n’ont rien en commun — l’on ne saurait comparer un ours et un mulot — mais pour qui gratterait les strates jusqu’à dévoiler leur cœur, n’y verrait-on pas deux défunts face à leur seconde chance, deux revenants au passé de souffrance ?
Sauf qu’elle peut bien pleurer, cela ne lui rendra pas ce qu’elle a perdu. Et sur ce point aussi il la rejoint, quand bien même il aurait oublié la saveur de ses propres larmes, oublié qu’il en avait senti la chaleur saline tracer deux sillons le court de ses joues au nom d’un être dont ne demeure que celui-là : Solstice. Quel genre de Passeur était-il ? Digne des sentiments les plus ardents, les plus dévorants, sans nul doute — cependant Cicérone n’en a dressé qu’un portrait à la sanguine, une esquisse d’ocre et poussière, tandis que lui n’a pas souhaité débrider sa curiosité. Cet amour ne lui appartient plus, alors qu’en ferait-il ? Raviver la flamme pour mieux gémir sur ses cendres ? Se jeter dans les braises et crier ensuite à la brûlure, très peu pour lui. Le Zénith est mort, Hyll est mort. Pas lui. Survivant. Au-delà du vivant.
Comme elle.

« Et cela vous a pris beaucoup plus qu’on ne vous a appris. »
Inutile de s’improviser détective de haute volée pour deviner cette cruelle vérité, et sa voix d’ailleurs ne trahit guère d’émotion lorsqu’il en délivre le constat. Ni sarcasme ni compassion, pierreuse toujours, rigide quoique sans froideur. Elle est morte. Elle ne peut comprendre qu’avec trop de clarté combien son privilège d’outre-tombe ne lui est plus d’aucune utilité à présent ; de toutes ses connaissances engrangées là-bas, y en a-t-il seulement une qui lui permettra de s’adapter à sa nouvelle existence ? Pauvre fleur, arrachée trop tôt à la serre où elle étouffait sans même en avoir conscience.
« Sachez qu’il n’appartient qu’à vous de reprendre ce que votre décès vous a volé, afin de vous libérer de vos entraves. Vous trouver un nom pourra déjà être un début. » Il marqua un silence, un soupir sur la portée de ses notes graves. Puis, un octave plus haut, un sourcil relevé à l’accent circonspect : « À moins que vous ne préfériez rester une ombre anonyme. »
Il se retient d’ajouter — une décision préjudiciable —, car il a d’ores et déjà outrepassé les limites de son opinion. Elle n’a pas besoin de connaître le fond de sa pensée ; cela ne ferait que la troubler davantage. Subsiste la question de savoir si elle aura suffisamment d’imagination pour se recréer une identité ou si elle laissera quelqu’un d’autre décider à sa place, comme c’est souvent le cas en ce monde où les us font l’habitude et l’habitude entérine l’appellation.
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Anonymous
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Sam 30 Juil - 22:45
Au bord d'un nouvel horizon

Il n’y a aucune chaleur dans cette voix, aucune promesse dans ses mots. Il n’y a que l’évidence. Sans rien d’autre autour. Pas de fioriture. Pas d’artifice. Pas d’excuse. Rien de tout cela. Juste un énoncé de fait incontestable – et pourtant si contesté. Elle aimerait lui rétorquer qu’il a tort, qu’il se trompe ; elle aimerait pouvoir prétendre le contraire, lui afficher fièrement ce qu’elle fût – ce qu’elle serait encore.
Mais non. Au lieu de cela elle s’efface, n’oppose rien à ses paroles mortuaires dont chaque syllabe sonne un peu plus le glas. Il l’assourdit d’ailleurs, résonnant dans ses oreilles – à moins que ce ne soient là les battements de son cœur à l’étroit ? Ah... La douleur le comprime ; va-t-il céder avant sa raison ? Peut-être… Mais Hyll parle encore – elle ne l’entend pas, elle ne l’entend plus. Il n’y a plus qu’un bourdonnement irrégulier, précipité. La sensation d’être sous l’eau, d’être trop loin, depuis trop longtemps ; d’être incapable de remonter à la surface, de reprendre sa respiration – pas même une goulée. L’air vicié lui brûle les poumons. La sensation d’être aspirée au fond, de lutter en vain. De manquer de force. N’en avoir aucune, ni dans les bras ni dans les jambes, et de s’écrouler sur les dalles. Ah. Ce n’est pas une sensation. Ses genoux se sont vraiment dérober sous elle. N’est-ce pas drôle qu’elle ait eu l’espoir de ne pas abîmer son costume – pourquoi ? Elle est morte. Cela n’a pas d’importance. Plus rien n’a d’importance lorsque l’on meurt. Alors pourquoi pleure-t-elle ainsi, à chaudes larmes ? Pourquoi ne redressait-elle, au lieu de se donner ainsi en spectacle ? Elle n’est pas seule, après tout ; les passants dans la Serre sont nombreux, qui les dévisagent tous les deux, Hyll et elle, qui les interrogent du regard, mais qui n’osent pas davantage approcher.
Mais non. La jeune femme, déboussolée, sans repère, pleure tout son soûl. Comme seule au monde, aveugle et sourde à ce qui l’entoure. Elle pleure cette vie qu’elle n’a pas vécu ; elle pleure cette vie qu’elle n’a pas voulu – sans identité propre, virginale, mais au contraire souillée de rémanence, du goût de l’oubli. Et c’est épuisant, et elle est déjà épuisée – étranglée par ses larmes aussi, et ensanglantée aux genoux.
Lui appartenait-il vraiment, cet avenir ? Appartenait-il à ce spectre, à ce simulacre de vivant, bataillant en vain ?
Un prénom…
Tout devait-il commencer par un prénom… ?
Daphnée pleure en #ff9999 sur - @Hyll
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Anonymous
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Dim 14 Aoû - 22:50
S’émouvoir lui est interdit. À lui qui a perdu qui il est, les sentiments sont prohibés. La Vaillance n’est pas de ces cœurs empathiques, de ces myocardes mous qu’un choc laissent branlants ou difformes, emplis de fièvre et d’affects, non, elle n’a pas été façonnée ainsi et son argile s’est fait trop rude, trop marmoréenne pour s’effriter à la vue du désarroi d’autrui. Et quand bien même il trahirait pareille aspiration, il ne sait comment faire pour la réaliser. Autrefois a-t-il aimé, sans conteste, à s’en brûler l’âme, et s’il n’en avait pas été capable il n’en serait pas là aujourd’hui — mais n’a-t-il pas d’un unique jeté de dés déjà flambé toutes ses réserves ? Subsiste-t-il en lui un bris de compassion pour l’offrir à cette nymphe brisée que l’ignorance ne soutient plus, flétrie sur les pavés à la manière d’une rose d’adieu ? Mais au fond de son poitrail ne germe qu’un malaise irrité, une démangeaison d’inconfort face aux regards que les sanglots de la princesse ont attiré, ces œillades importunes dardées sur eux par grappes et qu’il voudrait chasser d’un avers.
Comment ne pas les entendre, ces yeux à l’éclat moucheté d’inquisition, et les rumeurs qui s’ourlent derrière les battements de paupières ? Il l’a fait pleurer — quel sans-cœur, quelle brute —, il devrait avoir honte, où se croit-il, est-il un Cauchemar pour se comporter de la sorte — quel fruste, quel monstre —, mieux vaut ne pas avoir affaire à lui, il n’apportera que des ennuis. Oserait-il reconnaître qu’il s’en contrefiche ? Elle seule est responsable de ses réactions, en plus d’avoir été à l’origine de son propre malheur ; elle la morte anonyme, l’éplorée solitaire, elle l’amaryllis aux rotules de satin et à la voix ébréchée, personne ne l’a obligée à le retenir du bout des phalanges, personne ne l’a forcée à se tenir devant lui. Elle a précipité son sort. Hyll avait d’ailleurs cru qu’elle serait assez forte pour endurer cela, puisqu’elle avait eu l’audace de tirer son vêtement afin de le garder une seconde de plus auprès d’elle, sauf qu’à l’observer tremblante de larmes à ses pieds, il lui faut amèrement constater qu’il avait tort.
Il s’est trompé.
Elle continue de pleurer.

Il y a des Passeurs bien meilleurs que lui pour gérer ce genre de crise, c’est une évidence, cependant à cet instant ils sont absents et, parmi les autres silhouettes alentour, pas une ne semble prête à initier le moindre réconfort auprès de la nymphe. Peut-être ont-elles peur de s’approcher à cause de la présence de l’Ours — effrayant reptile couvant une fille de roi — quand lui-même ne saurait interpréter avec justesse les raisons de leur inertie. S’il part, leur cédant sa place de bonne grâce, l’une d’entre elles osera prendre sous son aile cet oisillon impropre à voler ? Étrange. Il ne saurait expliquer pourquoi il en doute. Ni pourquoi, au lieu de balayer sa révérence ou de s’excuser pour son inclémence, il s’accroupit un genou à terre face à l’infortunée défunte.
« Ne vous mettez pas dans cet état ; ce n’est pas vous rendre service. »
Insensible, encore une fois, à l’insondable épaisseur des affres où elle se noie, il ne fait montre à son égard d’aucune tendresse, d’aucun dédain non plus, nul persiflage ni complaisance. Elle n’est guère une enfant à sermonner ou à cajoler, elle est une  me en pleine possession de ce qui lui reste d’existence, quand lui ne peut lui témoigner plus de bienveillance que celle qui l’empêche de lui tourner le dos. Il a beau savoir qu’il faudra davantage que cette austérité de ton pour essuyer ces larmes parfumées aux regrets, les cordes de son arc sont limitées. Que voudrait-elle entendre ? Qu’est-ce qui ferait naître un sourire de soulagement sur sa princière figure ? Il l’ignore. Et l’ignore d’autant plus qu’il ne peut se résoudre à prononcer ce qu’il ne pense pas sous prétexte que ces mots sècheraient ceux, homophoniques, qui essorent son esprit au même moment. À défaut d’une rhétorique salvatrice, il dispose en revanche d’un don. C’est là sa dernière arme contre les assauts de la détresse.

De l’extrémité de l’index, Hyll vient alors frôler l’épiderme diaphane dont elle a masqué son visage, à l’endroit où les jointures de ses doigts affleurent délicates ; il suffit d’un contact, aussi léger qu’il se veut chaste, pour déposer d’un seul souffle une aura d’or sur ses épaules, une gloire diffuse qui va se fondre à la perfection dans sa chevelure et envelopper tout son corps d’un subtil nimbe. Aussitôt, le sang cesse de perler au bord de ses égratignures, leur douleur s’efface et, derrière son front, une paisible lumière fend la marée d’oppression qui avait submergé ses pensées. Cela paraît si peu à l’aune de son désespoir, néanmoins il ne pourra pourvoir davantage.
« Relevez-vous. Il n’y a que vous qui puissiez reprendre ce dont vous avez été dépossédée. »
Bien que l’usage de son pouvoir ne saura guérir la plaie à vif qui pulse à son flanc de biche frappée à mort, au moins pansera-t-il pour un temps l’hémorragie. Le temps pour lui de la confier à plus compétent que lui, sûrement.
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